Interview Sam Worthington

Exclusif : Un entretien avec Sam Worthington 

Sam Worthington nous fait part aussi de ses relations avec James Cameron de ces difficultés à apprendre le na’vis et a effacer son accent australien, et bien d’autre choses encore dans une interview recueillis et traduits par Pascal Pinteau.
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Quand James Cameron a terminé ses études, il est devenu chauffeur routier, et a conduit des camions pendant plusieurs années. Après la fin des vôtres, vous avez été maçon. Pensez-vous que le fait d’avoir exercé tous les deux des métiers durs, dans lesquels on doit être précis et efficace, vous a permis de ne pas tomber dans le piège des « paillettes d’Hollywood », et est-ce aussi une des raisons pour lesquelles vous vous êtes immédiatement bien entendus, James Cameron et vous ? 

Absolument. C’est même précisément pour cela que nous sommes rapidement devenus les meilleurs amis du monde. Nous avons immédiatement éprouvé une affinité, un lien, parce que nous parlons le même langage, direct et sans chichis. Nous n’aimons pas qu’on nous raconte des bêtises, et notre patience est très limitée quand nous sommes confrontés à des idiots. Et nous tenons à faire notre boulot jusqu’au bout, quelle qu’en soit la difficulté. Nous avons des éthiques professionnelles similaires : si vous vous êtes engagé à faire quelque chose, alors vous devez vous immerger dans le travail et agir en utilisant le meilleur de vos capacités. C’est la raison pour laquelle j’ai pu collaborer étroitement avec Jim chaque jour sur ce projet, et j’espère sur d’autres dans le futur. 

2009 a été une année exceptionnelle pour vous : vous avez tenu le rôle principal de TERMINATOR RENAISSANCE, puis vous avez tourné dans LE CHOC DES TITANS, avant que l’on vous découvre dans AVATAR. Que ressentez-vous en songeant à tout ce qui s’est produit ? 

C’est fantastique ! Je me suis beaucoup amusé à faire tout cela, et je me sens très chanceux ! La seule façon de réagir est d’apprécier pleinement le moment présent, que l’on tourne un film australien dont le budget est de 2 millions de dollars, ou une superproduction américaine qui coûte 100 fois plus cher. Vous consacrez un bon moment de votre vie à un tournage. Vous faites de nombreux sacrifices, vous vous transformez énormément pour devenir un nouveau personnage, bref, vous vous investissez à fond. Mais tout en faisant cela très sérieusement, il faut aussi être capable de s’amuser, d’apprécier les bons moments de collaboration sur le plateau, avec les autres acteurs et toute l’équipe technique. Je suis très fier d’ AVATAR, et je n’aurai pas de problème à vous en parler avec un enthousiasme sincère. J’ai aimé vivre l’expérience de ce tournage unique, et je sens que je vais prendre le même plaisir à « vendre le film » ! 

Comment réagissez-vous à l’engouement que vous provoquez ? 

Je me dis que si les gens s’intéressent autant à moi, cela signifie sans doute qu’il n’a pas dû se passer grand chose au cinéma cette année ! (rires) Mais plus sérieusement, chaque acteur vit dans la crainte de se retrouver au chômage. Quand on travaille autant que je l’ai fait depuis deux ans, on se met à espérer que les prestations que l’on a faites ne soient pas trop mauvaises, puisque les rôles se succèdent vite. Être reconnu dans son métier est toujours extrêmement plaisant. Quand on est comédien, on dit de vous soit « Il est nul ! », soit « Félicitations pour votre dernier film ! ». Jusqu’ici, tout va bien, je touche du bois… 

Quelle est la scène-test que vous avez tourné avec James Cameron pour convaincre la Fox que vous étiez le bon choix pour tenir le rôle principal d’ AVATAR? Le studio était assez réticent, au début… 


Nous en avons tourné beaucoup. Quatre au total, sur une période de six mois. La première scène était celle où Grace Augustine, le personnage de Sigourney Weaver, rencontre Jake, mon personnage, pour la première fois. C’était une scène assez classique, pour être franc. Elle ne présentait pas de difficulté particulière. La scène la plus ardue est un grand discours que je prononce dans le film, afin de rallier tous les gens qui m’écoutent. Il y avait aussi une scène très émouvante. Nous avons essayé d’impressionner les patrons de la Fox en leur montrant ce que je pouvais faire en jouant de tout mon cœur, avec mon instinct et ma passion. Nous espérions que le studio apprécierait tout cela. Et dans un second temps, au fil des mois, nous avons retravaillé ces scènes, en les modifiant constamment, en les recomposant. Je n’ai jamais considéré que tout cela faisait partie d’une simple audition, mais que c’était mon opportunité de montrer au réalisateur ce que j’avais envie de faire de ce rôle, comment je pouvais me l’approprier. A chaque fois que nous nous retrouvions, je disais à Jim, « Bon, j’ai changé ceci, j’ai modifié un peu cette réplique-là. » De son côté, Jim réagissait en me faisant de nouvelles propositions, et nous avancions ainsi, en développant la relation de travail que nous espérions avoir si le studio acceptait que je joue le rôle. 

En fin de compte, qu’est-ce qui a été le plus dur : perdre votre accent australien, ou apprendre la langue Na’vi ? 

 (Sam Worthington éclate de rire) Les deux ont été aussi durs l’un que l’autre ! (rires) La langue Na’vi est un vrai casse-tête. On a envie de s’arracher les cheveux quand on essaie de l’apprendre ! A un moment, dans le film, Jake dit « La langue Na’vi, c’est l’horreur ! », et jamais une réplique ne m’a parue plus appropriée !  En ce qui concerne mon accent australien,  j’ai travaillé chaque jour avec un coach pour apprendre à parler avec un accent américain qui semble naturel. Cela fait partie des capacités que l’on doit acquérir quand on mène une carrière aux USA. C’est très dur, mais je m’accroche. Je continue à travailler en ce moment. Je fais des progrès et je m’améliore au fil du temps. Mais la langue Na’vi, c’est un exercice de prononciation vraiment épouvantable… 

Comment votre vocation d’acteur vous est-elle venue ? 

Je m’en suis rendu compte à 22 ans, en me rendant dans une école d’art dramatique. Je n’avais jamais pensé jouer la comédie auparavant. Tout cela a été accidentel. Pour tout vous dire, c’est dû à une fille que j’avais rencontrée pendant que je voyageais dans différentes villes d’Australie, et avec laquelle j’avais une relation amoureuse. Elle m’a expliqué qu’elle voulait tenter l’admission à un cours d’art dramatique, mais que les candidats devaient d’abord passer une audition. Elle m’a demandé de l’accompagner là-bas pour l’encourager, et c’est ce que j’ai fait, sans aucune arrière-pensée. Encore une fois, je n’imaginais absolument pas pouvoir devenir acteur. Elle s’est levée et a fait une improvisation remarquable. Tout le monde l’a applaudie. J’étais ravi pour elle. Mais après, alors que je ne m’y attendais pas, on m’a dit, « Hé, toi ! C’est ton tour ! », et je me suis retrouvé sur scène sans comprendre ce qui m’arrivait. Je me suis lancé dans un truc, puis on m’a dit « Continue ! », ce que j’ai fait, et après ils m’ont rappelé pour m’offrir une place dans le cours ! J’étais sidéré ! Malheureusement, ma copine n’a pas été choisie, et comme elle était furieuse, elle m’a laissé tomber une semaine plus tard…mais c’est une autre histoire ! (rires) J’ai donc étudié l’art dramatique pendant trois ans au sein de ce cours. A cette période de votre vite, vous êtes comme une éponge : vous absorbez tout le répertoire classique, de Tchekov à Molière en passant par Shakespeare, et vous finissez par vous dire que vous pourriez peut-être faire carrière dans ce métier. En Australie, il faut être prêt à jouer dans n’importe quoi pour gagner sa vie, car le milieu du spectacle et du cinéma est très réduit. Il faut tourner des publicités, jouer au théâtre et dans des séries télé, puis décrocher des rôles dans des films à petit budget. Ce n’est qu’après avoir tourné dans un premier film que j’ai commencé à croire que je pourrais peut-être vivre de ce métier. Mais quand je repense au hasard et aux circonstances qui m’ont poussé à suivre ces cours d’art dramatique, je me dis que c’est vraiment une bonne chose de tenter sa chance et de se lancer dans l’inconnu, de faire un grand plongeon. C’est ce que fait Jake dans AVATAR, et je crois que c’est un bon message à faire passer au public : « N’ayez pas peur de ce qui vous attend au coin de la rue. Tentez votre chance ! » 

Vous avez écrit le script, composé la musique et réalisé le court-métrage ENZO en 2004…Avez-vous envie de réaliser prochainement un long-métrage ? 

Non. Il faut que je reconnaisse que c’est bien au-dessus de mes capacités ! Pour être un réalisateur compétent, il faut être un leader né, savoir diriger une équipe, et posséder des connaissances techniques et artistiques très variées pour atteindre ses objectifs dans différents domaines. Je sais faire différentes choses, mais je considère ne pas être suffisamment bon dans chacun de ces registres. Quand on voit les multiples compétences de Jim pendant un tournage, on comprend alors tout ce qu’il faut savoir maîtriser pour parvenir à être un très bon réalisateur. J’ai travaillé sur ce court-métrage pour aider un ami à se faire connaître. Comme nous sommes tous les deux acteurs, nous pouvons nous entr’aider, et nous apporter mutuellement des conseils, des suggestions utiles. Pour réaliser, il faut être un bon leader. Pas un de ces généraux qui donne ses indications en observant la bataille du haut d’une colline, en toute sécurité, mais un chef qui se bat au milieu de son équipe, dans les tranchées ! Napoléon a dit « Un leader est un marchand d’espoir », et c’est ce que Jim vous offre quand vous travaillez avec lui. Vous vous mettez à croire que tout est possible, et que sous sa direction, vous pourrez tout accomplir. Et c’est ce qui se produit réellement. 

Qu’aimeriez-vous faire dans le futur ? 

Continuer à travailler ! 

Y a t’il certains réalisateurs avec lesquels vous aimeriez tourner ? Certains projets que vous aimeriez initier ? 

Non, parce que j’aime être plaisamment surpris quand des gens viennent me trouver pour me proposer un projet qui les passionne. J’ai toujours du mal à répondre quand on me demande avec quels réalisateurs j’aimerais travailler, pour une raison toute simple. Vous pouvez aimer les films et le style d’un réalisateur, mais quand vous le rencontrez, si vous vous rendez compte qu’il est extrêmement prétentieux, se comporte mal avec les gens, et agit comme un tyran, vous n’avez aucune envie de travailler avec lui ! Je préfère être plaisamment surpris par quelqu’un avec lequel je n’aurais jamais pensé travailler, mais qui s’avère être un garçon sympathique et bosseur, et avec lequel je prendrais plaisir à me lancer dans l’aventure d’un film. Je n’ai jamais conçu de plan de carrière à long terme. Je trouve que les surprises sont bien plus agréables et bien plus enrichissantes. Quand on me fait une nouvelle proposition, les questions que je me pose sont « Est-ce un monde dans lequel j’ai envie de m’immerger complètement ? »,  « Le scénario délivre t’il un message qui me touche ? »,  « Est-ce un film que je prendrai plaisir à montrer à mon neveu ? », « Est-ce que l’équipe est assez sympathique pour que j’aie envie de passer 4 mois de ma vie avec tous ces gens ? » . Je précise que dans le cas d’AVATAR, c’est 14 mois que j’ai passé avec Jim et son équipe ! (rires) 

En signant votre contrat pour AVATAR, vous êtes-vous engagé à apparaître dans des suites ? 

Oui, nous avons tous signé pour apparaître dans trois films. (Le téléphone sonne à cet instant précis dans la pièce où nous nous trouvons) Ah, c’est Jim qui appelle pour m’annoncer que je suis renvoyé, parce que je viens de répondre à votre satanée question !! (rires) Jim m’a parlé de certaines idées qu’il a eues, et de quelques directions vers lesquelles d’autres épisodes pourraient aller, mais je crois qu’il se laisse, comme nous tous, le temps de voir comment le public va accueillir le film. AVATAR est unique, car c’est vraiment une expérience comme on n’en a encore jamais vue au cinéma. Nous allons voir comment les spectateurs vont réagir. 

Qu’avez-vous ressenti en vous voyant pour la première fois transformé en Na’vi ? 

J’ai tout de suite remarqué que toutes les nuances de mon jeu d’acteur étaient transposées dans le personnage. Je crois être un acteur au jeu assez subtil, et je craignais que l’on ne perde certaines choses pendant le processus d’animation de mon avatar Na’vi. Jim m’avait promis que ce ne serait pas le cas, et il avait parfaitement raison. Le moindre petit mouvement d’œil, la plus petite variation d’expression sont captés et retranscris fidèlement. Quand j’ai vu les scènes avec mon avatar, j’ai reconnu ma performance d’acteur. A aucun moment, je n’ai eu l’impression que le personnage avait été animé par d’autres personnes, à un tel point que ce ne serait plus moi. 

Est-ce que c’est difficile de ne pas emporter le personnage avec vous, le soir, après le tournage ? 


Le rôle que j’interprète reste en moi après le tournage, effectivement. C’est quelquefois éprouvant, surtout pour les gens qui vivent à vos côtés. L’autre jour, après avoir rencontré quelques journalistes, je lisais dans leurs articles qu’ils me décrivaient en disant « Sam Worthington est sérieux, intense, déterminé, assez sombre. ». Ce n’était guère étonnant, car j’étais en train d’interpréter Persée, un homme dont la famille a été massacrée, et qui se lance dans une odyssée sanglante pour la venger ! (rires) Quand vous vous imprégnez des pensées d’un personnage comme lui toute la journée, cela fini forcément par déteindre sur votre personnalité. Heureusement, dans mes derniers films, j’ai incarné des hommes jeunes et passionnés, et j’ai continué à agir ainsi, en gardant cette énergie et cette passion à fleur de peau dans la vie de tous les jours, puisque de toutes évidences, j’ai un peu de mal à sortir de mes rôles… AVATAR est le premier film dont j’assure la promotion pendant que je fais une pause dans mon travail, car c’est une promesse que j’avais faite à Jim. Il m’avait demandé de me rendre totalement disponible pour pouvoir parler du film. J’espère donc être en mesure de vous parler de cette expérience en étant un peu plus détendu, un peu plus moi-même. 

Ou en étiez-vous de votre carrière quand l’aventure d’ AVATAR a débuté pour vous, en 2007 ? 

Je tournais des films en Australie, ce que je faisais régulièrement depuis une dizaine d’année. Et peu avant d’auditionner pour AVATAR sans savoir vraiment de quel genre de projet il s’agissait, je me heurtais à une sorte de « plafond de verre » en Australie. Je ne pouvais pas aller plus haut là-bas, et j’avais le sentiment que si je ne bougeais pas, ma carrière allait stagner. Je venais d’avoir trente ans, et j’ai eu envie de faire un bilan pour voir où j’en étais dans ma vie. Je me suis demandé où j’avais envie d’aller, et quelles étaient mes aspirations à tous les niveaux, professionnels et privés. En me regardant dans le glace sans complaisance, je me suis dit que je manquais de courage et que cela affectait mon travail. Il fallait que je me remette en cause, et que je prenne de nouveaux risques. J’ai regardé ce que j’avais amassé dans mon appartement, tous les objets de mon quotidien de « star du cinéma australien », et je me suis demandé si c’était seulement cela qui définissait ce que j’étais. A ce moment-là, j’ai pris la décision de vendre tout ce qui m’appartenait. J’ai mis toutes mes possessions en vente aux enchères, ce qui n’a pas rapporté grand chose, et j’ai donné le reste à mes amis. Je me suis rendu compte que j’avais passé trop de temps à écouter des gens me dire ce qu’il fallait que je fasse. Cela peut vous arriver assez facilement quant vous êtes acteur. Au bout d’un moment, vous pouvez prendre l’habitude de déléguer à d’autres ce genre de décisions. Je me suis rendu compte que c’était stupide et qu’il fallait cesser d’être passif pour devenir actif. C’est pour cela que quand Jim m’a appelé, je suis allé le voir et je lui ai dit « Ecoutez, j’ai vendu tout ce qui m’appartenait. J’ai emporté deux sacs avec moi : un sac de livres et un sac de vêtements. Vous me faites passer une audition, parfait. Mais je voulais vous dire que si je m’implique totalement dans ce projet, et que je fais ce voyage avec vous,  j’ai envie que nous travaillions vraiment ensemble. » Et là, j’ai eu le sentiment d’avoir fait un grand pas en avant. D’être enfin devenu un homme de trente ans, le Sam que j’avais envie d’être. Cela n’avait rien à voir avec de l’arrogance ou de la prétention. Je voulais simplement contrôler ma propre destinée. Et quand on parle de cette manière à Jim, il vous comprend et vous respecte, parce qu’il se rend compte qu’il n’a pas une marionnette devant lui, un de ces acteurs qui est prêt à supplier pour décrocher un rôle. Mon attitude a été de lui dire « Voilà ce que je peux vous offrir, Monsieur Cameron. Voilà comment nous pouvons bien travailler ensemble ». Et ça rejoint ce que vous disiez sur le conducteur de camion et le maçon que Jim et moi avons été. Nous nous sommes immédiatement parlés dans des termes francs et directs. 

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